Nicole de Vésian
Petite-fille de Nicole, je me souviens de mes séjours à Bonnieux dans le Luberon, l'été.
Nicole nous faisait quitter notre banlieue parisienne pour humer les plantes arômatiques du Luberon. La rigueur de l'hiver l'avait endurcie et fortifiée et elle réclamait
des "Granny sitters" pour l'été, soit disant pour s'occuper d'elle. Dès notre arrivée, nous nous retrouvions, mes sœurs, cousines ou moi, armées d'une paire de ciseaux avec pour instruction de tailler les buis des quelques tiges qui, profitant du printemps, avaient échappé à l'arrondi parfait des boules, en prenant soin de ne pas couper les feuilles mais uniquement les tiges....
Le soir, la cuisine n'étant pas son fort et pour nous récompenser de cette journée de jardinage, nous nous mettions sur notre 31 pour aller dévorer au Fournil, un restaurant du village, une assiette de pâtes au pesto ou nous rendre dans l'une des nombreuses propriétés d'amis de Nicole (dont elle s'était parfois occupée de créer le jardin) où nous étions invitées. Sa personnalité hors du commun et sa bonne humeur, sa façon de raconter des anecdotes en faisaient une convive très convoitée !
Nicole a quitté Paris après une longue carrière de styliste.
Tout d'abord dans son bureau feutré de la rue de l'Elysée où j'adorais venir l'observer, avec son équipe, à l'élaboration des écossais pour les tissus de ses clients américains. A l'entrée, les lettres NV élégamment dessinées par elle et découpées dans du laiton identifiait son bureau de styliste : "New Vision" ou "Nicole de Vésian". Elle me confiait un tabouret et un pot de feutres et je me lançais avec joie dans la conception d'imprimés. Son bureau très design faisait mon admiration et l'ambiance créative et rigoureuse m'impressionnait. Elle travaillait, je me souviens, à des tissus issus des œuvres de Sonia Delaunay ou à la création de flacons de parfums. Son bureau étant en demi-sous-sol, on observait les jambes des passants très chics circulant dans la rue et j'avais droit souvent à une pause déjeuner au restaurant Pierre Cardin, à deux pas de là.
Nicole a fini par fermer son bureau pour entrer chez Hermès à quelques encablures, où elle était chargée de dénicher de nouveaux produits pour le département "Art de vivre". Je continuais de la suivre chez les artisans, notamment les dinandiers du Marais que je regardais avec fascination marteler le cuivre avec précision et talent. Au volant de son Austin Princess vert anglais, elle arpentait Paris, le toit dès que possible grand ouvert, guettant le moindre rayon de soleil pour parfaire son bronzage !
Un pépin de santé l'obligea à s'arrêter mais loin de s'avouer vaincue, elle décide alors de rejoindre le soleil et les paysages rocailleux du Luberon et de consacrer son talent aux jardins.
Les photos de ce site familial ont été prises par son gendre Philippe Huchez, à l'occasion de ses nombreux séjours à la Louve avec sa famille, entre 1986 et 1996. Nicole nous a quittés en 1996 mais son jardin continue de vivre avec le soutien et l'énergie de sa propriétaire actuelle qui a su préserver et faire évoluer ce lieu devenu une référence en matière de jardin dans le monde entier.
Olivia de Saint-Luc, petite fille de Nicole, sculpteur
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